25 septembre 2018
Dans la peau du copilote
Leur mission peut sembler simple et à la portée de tous vue de l’extérieur, mais leur rôle va bien au-delà de la diction des notes ! Rencontre avec trois copilotes évoluant au sein du Clio R3T Trophy France pour nous apporter un éclairage sur leur métier.
Si les projecteurs se concentrent sur les rallyes, cette discipline ne fait pas exception aux autres sports en impliquant un travail de longue haleine dans l’ombre.
Une préparation primordiale
« Environ 60 à 70 % du notre travail se déroule avant le rallye », estime Victor Bellotto, installé à la droite de Florian Bernardi cette année. « À notre niveau, cela peut déterminer l’issue du week-end. Quand nous le pouvons, nous analysons les caméras embarquées et nous recyclons des notes afin de gagner du temps si les spéciales restent telles quelles. Nous préparons également les reconnaissances en étudiant les cartes, le nombre de passages autorisés, les horaires spécifiques... Chaque détail est passé au peigne fin pour optimiser notre planning ! »
« Deux semaines avant le départ, nous préparons une feuille de route qui forme la trame du rallye », précise Marion Grand, copilote de Thibaut Poizot. « C’est un outil essentiel pour que chaque membre de l’équipe sache exactement ce qu’il a à faire sur place, y compris avec les spécificités de l’environnement Renault, comme les interviews, les briefings, les vérifications... Par exemple, celle du Cœur de France est déjà prête. On y retrouve nos parcours de reconnaissances, l’essence prévue à chaque ravitaillement et d’autres détails. Même si nous allons découvrir cette manche, nous savons où nous mettrons les pieds. Il est donc important de préparer le rallye tout comme le pilote prépare sa voiture, c’est-à-dire avant le départ ! »
« Depuis mes débuts en 1981, le rôle de copilote s’est véritablement étoffé », complète Francis Mazotti, partenaire d’Éric Filippi. « À l’époque, nous n’étions pas obligés de nous plonger dans les règlements pour suivre leurs évolutions au fil des ans. Désormais, il faut étudier celui de la fédération, celui de l’organisateur du rallye et celui de la formule de promotion en question pour éviter la moindre erreur. En outre, tout ce travail de préparation peut inclure des aspects logistiques et administratifs que les pilotes aiment bien déléguer aux copilotes afin de se concentrer sur le pilotage, mais nous connaissons tous les règles avant de signer ! »
Un rôle crucial sur place
« Dès notre arrivée sur l’épreuve, je suis le garant du timing lors des reconnaissances », détaille Victor Belloto. « Comme je commence à bien connaître Florian, je peux préparer des tableaux d’heures théoriques d’entrée et de sortie de spéciales à la minute près. Je prends aussi en compte d’éventuels travaux sur les routiers qui pourraient nous ralentir. En fin de journée, il y a tout un travail de mise au propre des notes qui dure cinq heures dans les meilleurs moments, le double dans les pires ! Chaque copilote a sa technique, mais je pars plutôt du postulat où il ne faut pas hésiter et qu’elles soient le plus limpide possible. »
« Les reconnaissances sont les journées les plus denses », confirme Marion Grand. « Personnellement, je ne remets pas mes notes au propre. Je les prends avec un crayon de papier épais et je n’ai plus qu’à les corriger à la gomme. Après, le rallye commence vraiment. Je suis toujours stressée dans la première spéciale, mais cela disparaît une fois dans le rythme et l’on peut se concentrer sur l’intonation. En revanche, comme Thibaut est un pilote assez détendu, il n’a pas toujours la notion du temps sur le moment, et c’est un élément inhérent à notre rôle... »
« Nous endossons un peu le costume de coordinateur », enchaîne Victor Bellotto, approuvé par Francis Mazotti : « Le travail est encore conséquent pendant l’épreuve. Nous restons en contact avec l’assistance, nous gérons le temps et les pointages, mais nous avons aussi un rôle de contrôle des informations sur la consommation et les pneumatiques avant de les restituer à l’équipe. Au fil des ans, des aspects ont pris de plus en plus d’importance, comme les gommes, les pressions ou même le fait que tous les équipements requis se trouvent bien à bord de la voiture. »
La clé de la réussite ?
Si aucun des trois ne se risque à donner la recette du copilote parfait, ils se rejoignent en de nombreux points sur les qualités requises pour leur rôle.
« Un copilote doit être calme, réfléchi et très ordonné », assure Marion Grand. « S’il se laisse emporter par ses émotions, le pilote va le ressentir alors qu’il a déjà beaucoup de pression sur son pilotage. Il faut donc être le plus efficace possible dans sa lecture des notes et son intonation... Enfin, il faut toujours aller de l’avant, car nous permettons souvent au pilote de tenir bon dans les moments difficiles. »
« Il y a également une notion de confiance », ajoute Victor Bellotto. « Nous devons faire confiance au pilote, qui peut de son côté s’appuyer sur nous. En soi, notre rôle n’est pas extrêmement dur, mais tout le monde n’a pas les qualités requises. Et c’est un métier très cérébral puisqu’il faut aussi être très curieux, comprendre la mécanique ou encore les rouages d’un rallye pour être le plus complet. »
« Dans la voiture, nous ne formons qu’un seul équipage », conclut Francis Mazotti. « Si l’on arrive à ressentir cette alchimie, alors on a tout compris, c’est là où le feeling est extrêmement important. Il faut qu’il se passe quelque chose dans l’habitacle, que l’on puisse se dire les choses en face. Sans cela, on ne prend pas de plaisir, on ne peut pas vraiment partager et on ne peut pas travailler sérieusement. »